Elle a dormi toute la journée. C’est en tout cas la sensation qu’elle a, parce que pour ce qu’Hana en sait, le jour aurait pu se lever dix fois pendant son sommeil. Ils ne peuvent même plus faire confiance à des choses aussi fondamentales que le jour et la nuit depuis un petit moment - et plus le temps passe, plus Hana réalise qu’ils ne peuvent avoir confiance en rien de ce qu’ils voient. Si elle se laissait y penser trop longtemps, elle en perdrait sûrement l’esprit. Mais Hana ne se laisse pas faire : allongée sur son lit, les yeux fixés sur les étoiles phosphorescentes aussi artificielles que la nuit tombée sur le manoir, la spirale manque de l’avoir. Les phénomènes étranges, leurs pouvoirs soudains, il serait si facile de rester figée sous le poids de ce que leur situation implique. Mais.. Nuit ou pas, elle a déjà ses heures de sommeil et paniquer n'amène à rien. Fuck this. Même si elle n’est pas la seule à y passer ses jours et ses nuits, refaire un tour du manoir ne coûte rien et sauve sa santé mentale. Que des bonus - et c’est toujours plus utile que de fixer le plafond en grattant ce qu’il reste de la peinture violette sur son pendentif (objectivement) moche.
Hana est presque reconnaissante de l’ouverture de la nouvelle pièce, au sous-sol. Avec le temps, le manoir prenait des airs assez familiers pour ne plus sembler si grand - des airs de prison. De nouveaux décors ne font pas de mal, et ça laisse l’occasion à de nouvelles théories. Pas les siennes, mais il y aura certainement des habitants plus inspirés qu’elle, qui se contente pour l’instant de piquer sporadiquement dans un paquet de chips en visitant lentement l’aquarium. C’est plus reposant que de compter de fausses étoiles pour passer le temps. Elle examine le sol, promène son regard sur les coins et recoins au plafond et sur les murs, pose ses questions à voix haute et en s’adressant aux poissons. “Qui vous nourrit ?” Puis, après un instant de réflexion. “J’espère que c’est pas à nous de nettoyer vos aquariums, ça sent le piège à des kilomètres.” D’un autre côté, elle serait prête à plonger s’il y avait la chance de trouver une clé ou un moyen de sortir d’ici sous un caillou au fond de l’aquarium, même si elle n’est pas sûre de savoir nager. A méditer. Le temps s’écoule au rythme de ses pas, le silence interrompu par ses remarques ou par le froissement du paquet de chips, si bien que lorsqu’elle entend la porte s’ouvrir et des bruits de pas, Hana met un temps avant de comprendre qu’elle n’est plus seule. Quand elle réagit enfin, c’est pour tendre son paquet de chips dans la direction générale des bruits de pas, en désignant les poissons colorés qui dansent derrière la vitre d’un geste du menton. “Interro surprise, si t'étais un poisson, tu serais lequel ? Moi, c’est celui qui ressemble à un PNJ buggé contre le mur, dans le coin, là-bas. Le jaune, même si c'est pas vraiment ma couleur.”